Illustrations littéraires


Qui suis-je ?

 

Texte par Maurice Gay

Illustrations Marie Vergne

 

 

 

Avant, je lisais.

Avant j’écrivais,

Enfin, j’essayais.

Avant je dormais.

Avant, j’étais seul.

 

Là maintenant, je ne sais plus.

 

Ma femme a un chat. Adorable d’ailleurs.

 

Excusez-moi une seconde. Merci, me voila de retour. Où en étais-je ? Ah! Oui, le chat. Un chat joueur, il a fallu que ça tombe sur moi. Une seconde, ça y est ! Oui, alors un chat qui joue avec une souris, pas une vraie, une en plastique poilu, une queue, et un bidule dedans qui fait du bruit, comme un petit pois, voyez !

 

J’ai eu le malheur de la lancer dans l’appartement une fois. Quatre secondes plus tard, pardon excusez-moi, ça y est ! Elle était à mes pieds (pas la chatte, enfin si, elle aussi (c’est une femelle le chat), mais la souris. Et elle (le chat, enfin la chatte) me regardait, assise, tournant la tête et miaulant. Je rédigeais mes impôts, alors pour éliminer une contrainte, j’ai à nouveau jeté la souris au fond de l’appartement derrière des cartons. Elle est partie d’un trait (la chatte, pas la souris, enfin si, elle aussi !). Trois secondes plus tard, elles étaient là l’une dans la gueule de l’autre (enfin, la souris dans …, ne chipotez pas, vous aviez compris) et la chatte (je vais l’appeler « C », comme ça vous me comprendrez mieux). Et la souris « S ». Une seconde SVP ! Où en étais-je ?    

 

Oui, C m’attendait et miaulait à mes pieds. Bon, j’ai fait semblant de rédiger ma déclaration mais une patte s’est posée sur ma cuisse et en me penchant j’ai vu le regard de C qui semblait dire (enfin, pas son regard, c’est pour faire comprendre) encore…..

J’ai envoyé S sous les meubles, sur les meubles, dans un carton ouvert, pardon, un instant ! Merci. C la ramène toujours, en trottinant (On peut le dire pour un chat ?). Depuis une semaine, enfin un certain nombre de jours, je ne sors plus.

On dirait que C est devenue agressive. Quand elle pose ses pattes sur ma cuisse, elle sort un peu les griffes. Mon pantalon est percé, des fils sortent dans tous les sens.

 

Ce qui me surprend c’est que si ma femme entre, elle (C) laisse tomber sa proie (S) et va se lover sur une chaise, (elle fait semblant de dormir…). Ma femme la prend dans ses bras et lui dit : « Tu dors tout le temps ma belle, ton maître ne s’occupe pas de toi ! ». Au début, j’ai répliqué, « Je viens de jouer avec la souris », tiens regarde et j’ai jeté la souris. C n’a pas bronché. J’ai récupéré S à quatre pattes et l’ai secoué (bling-bling) devant C. Ma femme et C m’ont regardé comme si j’étais un martien. Je ne dis plus rien maintenant.

 

J’appréhende le départ de ma femme. J’ai trouvé une parade quand elle est sortie. J’envoie S dans la cuisine et ferme la porte vitrée. C miaule en me regardant, les pattes posées sur le rebord du carreau. Si ma femme entre à nouveau, elle dit : « Mais alors, ton maître t’a enfermée, il ne t’écoute même pas ! » Je suis obligé de lui mentir : « Je remplissais mes feuilles d’impôts, et je n’ai pas fait attention ! » 

Depuis quelques jours, C prend S et va la poser dans un coin, sous le frigo, par exemple, son coin préféré. Elle vient ensuite me griffer pour la récupérer. Me voila à quatre pattes pour sortir S. A peine sortie, C la relance sous le frigo. J’ai l’impression que C c’est moi et C est moi.

 L’autre jour, un agent de l’EDF est entré alors que j’étais à plat ventre dans la cuisine. Je lui ai dit que je cherchais S pour C. Il m’a répondu qu’il repasserait quand ma femme serait là, que ce n’était pas urgent, pas de problèmes a-t-il dit et il est reparti sans relever les compteurs.    

 

La nuit, je rêve que je suis entouré de souris qui se cachent quand j’approche. Elles miaulent (comme de rire). 

Neuf chats sont assis derrière un grand bureau et lèvent un petit panneau lumineux avec des chiffres dessus quand je réussis à prendre une souris. Ma femme (F, pour aller plus vite) me secoue et me demande de ne pas miauler. Il paraît que je la réveille. Excusez-moi une seconde ! Ma litière a disparu.

 

Ce matin, mon bol de café au lait était par terre, à coté de la gamelle de C. J’ai regardé F en mettant mon bol sur la table de la cuisine. Avant que je dise un mot, elle a repris le bol, l’a posé par terre et a dit :

-       Non, pas sur la table, tu laisses des poils partout.

-       Mais, j’ai toujours fait ça lui ai-je répondu, ébahi.

-       Oui, mais ce n’est pas toi qui ramasse, vilaine fille !

C a miaulé de rire. Elles conspirent ! J’ai repris S dans la gueule et suis allé me lover dignement sur mon coussin. Vous ne m’aurez pas comme ça !

    -     Oh ! Mon minou a fait F en me caressant la tête.

C s’étranglait en riant aux éclats et tapait sur la table avec sa patte.

 

Pendant quelques jours, le calme est revenu. Puis un événement a tout déclenché. J’étais seul, on frappe à la porte, le facteur entre. J’accours pour le saluer. Il me regarde et dit :

-       Il est pas là ton maître ?

J’ai craqué. 

 

Je suis sorti en courant, j’ai sauté sur sa mobylette qui tournait  encore et me suis enfui. J’ai rejoint mon refuge et prépare ma défense. J’ai besoin de tous les témoignages de ceux qui m’ont connu.

 

Je vous en prie, aidez-moi à retrouver ma dignité. Ecrivez moi en adressant votre courrier à : C, SOS égarés, chatterie du long séjour, 98853 LITIERE sous CHATS.

 

 

 

 

P.S : A vendre : Mobylette jaune avec sacoches, état neuf, prix à débattre.    

 

 

 

 

 

Publié dans le N° 38 du Club des Chats des Forêts Norvégiennes (CCFN) de décembre 2008.